• Il est onze heure cinquante. Je débranche les machines, éteint les lumières, ferme l’atelier. Ma pause déjeuner va durer deux heures. Deux longues heures dont j’ai pas grand-chose à foutre, à vrai-dire, puisque je m’enfile un kébab en une demi-heure grand max. Comme d’habitude, mon collègue - le seul collègue qui ait survécu à ce salaire minable à part moi – rentre déjeuner avec sa femme. Sa p’tite femme, il nous dit, et c’est vrai qu’elle est petite. Mais lui au moins, il a quelqu’un avec qui baiser, ce qu’il ne fait pas forcément chaque midi, faut pas déconner, mais ça arrive parfois. Et la probabilité que ça arrive est autant excitante que de le faire, faut juste doser pour pas que l’autre commence à se faire chier. Bon j’dis ça, mais j’suis pas tellement le mec qui est à jour sur ce genre de conneries. L’équilibre, tout ça. Il me raconte, et je l’écoute comme je pourrais lire des articles médicaux. Je suis un peu perplexe, j’attends de voir sur le long terme. Le long terme, c’est ce qui fait ça tient sans pour autant être le moteur et c’est toujours ce qui morfle le plus, c’est la carrosserie.

     

    J’ai donc un peu moins de deux heures à tuer. Après avoir commandé mon sandwich, Je m’installe mollement au camion-bar sur une chaise aux lattes d’aluminium en raclant les gravillons. Comme je sais que je vais attendre une plombe, j’ai pris ma bière. Elle est bonne. Fraîche. La fraîcheur se fait rare ces temps-ci. Même l’eau est chaude comme si des milliers gens avaient pissé dedans. Ce qu’ils ont sûrement fait, mais le soleil y est pour quelque chose, et grandement. Cette chaleur alourdit tout. L’air, la démarche de cette femme avec le môme dans ses bras et le sable dans les ballerines fraîchement salies de sa plus grande, les pommes-de-terres trapues agglutinées dans une sauce qui n’a de blanc plus que le nom,  le regard du vieil homme qui lorgne sur ma mousse. Tout est lourd. Je croque une bouchée dans ce sandwich qui peine à tenir dans ma main gauche, tandis que de l’autre je fais glisser les écrans de mon téléphone.

    Je me connecte à un chat. Pas l’animal, je me sens forcé de le dire chaque fois que je dois l’écrire. Je parcours la liste des connectés dont les pseudos sont des vitrines peu flatteuses mais qui ont au moins le mérite d’être très explicites. Je cherche un peu de mystère, et c’est comme de fouiller une botte de foin. Ce site est le plus rentable dont j’ai connaissance, un catalogue luxuriant et intarissable. Fayaboobs sera mon aiguille du jour. Est-ce qu’elle est jolie ? Aucune idée, mais elle a une qualité non négligeable, elle est disponible. On échange des monosyllabes qui suintent l’impatience. Le rendez-vous est pris.

    Je la prends à 20h.

    Je ne finis pas mon sandwich et vais respirer l'iode à mi-poumons, l'autre moitié pour la clope sur laquelle je tire, satisfait.


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  • Une guitare larsen au bord d’une fenêtre

    Un clope se grise au creux de tes lèvres

    Du regard tu cherches une branche en fer

    Pour y pendre tes p’tites affaires

     

    Les cœurs funambulisent, novices sans équilibre

    Sur un fil en fonte vierge de nos futurs vices

    Eux aussi peuvent vivre et dormir

     

    Au loin en silence un ange crève dans un fou-rire

     

                    J’sais plus écrire, j’sais pas parler

                    J’sais pas dormir, j’sais plus bander

     

    Y’a qu’une balle dans mon flingue et ma bouteille se vide

    Sur la route, j’croise des dingues, même leurs regards m’évitent

    Un pétard s’consume près de l’allume-cigare

    Jagger dans le mange-disque chante une ballade en per-peinard

     

    No expectations,

    Ni même d’attentes particulières

    Don’t take me to the station,

    Mais vers l’ennui de ma tanière

                   

    J’sais plus écrire, j’sais pas parler

                    J’sais pas dormir, j’sais plus bander

     

    Les violoncelles dépeignent une dernière rengaine

    Et puis éclatent leurs cordes, violent celles en désaccord

    Alors que nos derniers rêves, en forme de requiem

    Se tirent et s’achèvent dans c’putain d’jour qui se lève

     

    J’sais plus écrire, alors de loin tu m’fais signe

    Marque ma page, me rappelle à nos déviances

    Mais ta silhouette s’estompe entre mes lignes

    En une diagonale sans consistance


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  • La merveille d'illustration où tu laisses tomber tes rétines comme dans un songe sans limite mais aux contours d'une finesse aussi délicate et fragile qu'une toile d'A c'est l'oeuvre de Birdman.

     

     

     

    L'homme sauvage

     

     

     


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  • Je savais pas comment. Comment revenir. Je me suis interdite. Tant que je saurais pas écrire.

     

    Pourtant.

    Ça me tient à cœur. Parfois on sait pas comment on en arrive là, mais on se construit des prisons. Souvent les prisons, c’est con. C’est con et putain c’est solide.

    Et un jour on est prêt à les briser, et ça devient du sable. 


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  • Pulsar. (El.)


    J’ai voulu écouter mon cœur. J’avais oublié de le faire durant toutes ces semaines, ces mois et ces années. Ou alors j’avais pas bien fait le truc. C’est pas important.

    La ville est grande immense. Et lorsque la nuit lui tombe dessus, elle se met à battre. Comme Ocean. C’est pour ça, j’ai monté le son encore.

    Je peux te sentir (dans la ville).

    Je marche.

    Je lève le nez sur les réverbères t’es là. Les enseignes sont nos veilleuses. Elles sont les auréoles sur nos cauchemars en griffures. Dans la ville, les lumières sont si fortes que le ciel de nuit ne parvient pas à briller d’étoiles. On dit pollution lumineuse. J’aime beaucoup mieux pulsar. Ça palpite au loin. Pareil que toi (je sais que t’es là, quelque part et tu palpites). Je marche un peu plus vite sur les pavés. Un groupe de jeunes mecs un peu bourrés se vannent sur un banc. Je devine qu’ils me disent des trucs mais c’est Hope qui s’éclate en vrac au travers de mes neurones. Et ils sont fous du manque et du deuil mes neurones, fous de tout ça.

    Je monte le son encore.

    Je souris quand même parce que je suppose qu’ils me branchent ces mecs, et je trouve ça cool d’être un peu moins vieille que je dois en avoir l’air. Un peu moins dépressive même peut-être. Un peu moins moche.

    Je veux écouter mon cœur. Je suis en silence, enroulée sur moi-même depuis des semaines, le nez dans mes bouquins et les pupilles accrochés aux mots noirs sur fond blanc. Ce soir je sors, je marche dans la nuit. Je sais parfaitement où la musique me mène. Je sais où tu es. Dans quel organe de moi tu es gravé, sur quelle face exactement.

    Je sais.

    Je t’imagine encore sous le ciel brûlant…Miroir du temps…tes yeux de l’eau…de l’or.

    Je marche et j’atterris sur la vieille place toute en pavés. Je suis sciée de découvrir les terrasses bondées une nuit d’Avril. Les gens vivent. Je marche. Et dans le vent,  j’entends encore ta voix, loin devant, je t’imagine encore.

    Tu es partout si je le décide, tu es partout si je le désire. Je t’éparpille dans tous mes décors. J’appelle les souvenirs, les odeurs, les rêves et je te saupoudre partout, aux quatre coins de la place toute en pavés. Je suis écrivain. Je décide d’écrire l’histoire. Je te rends vivant dans chaque phrase, là, contre moi et nos espoirs deviennent le scénario. Le fil se déroule et personne ne le coupe, il est incassable et nous allons ensemble, main dans la main.

    Je quitte la place et je sens le fleuve qui n’est plus si loin. Je traverse le pont. Je m’arrête au milieu et c’est immense grand. Tu es juste là. Tu es contre moi et tu m’indiques au loin tout ce que nous pourrions réaliser encore si…

    Mon phone vibre. Je réponds rapidement que j'arrive. Je ne peux pas expliquer que j'écoute mon coeur. Je dois répondre que j'arrive. Et je le fais. C'est un mensonge. Je ne vais arriver nulle part. Seulement j'écoute mon coeur (j'essaie).

     

    Mon cœur me dit d’aller m’asseoir un peu plus bas, un peu plus près du fleuve.

    Alors je descends. Je m’installe en tailleur, dos au mur. Et je t’appelle quand je veux, d’où je veux, je me souviens de tout. Je pose ma main bien à plat contre le sol. Pavé encore. C’est lisse, froid et rassurant aussi. Le fleuve est à mes pieds. Le fleuve c’est la vie. C’est nos contradictions, nos pudeurs, notre incapacité à dire les cicatrices de manière simple. A quoi servent les larmes ( ? ) puisque j’ai mon silence. La solitude absolue. L’innocence coupable.

    J’écoute mon cœur et il se tait l’enfoiré.

    Mon cul est gelé sur les pavés. La nuit se casse la gueule partout ici sur la rive et sous le pont illuminé. De l’autre côté je sais qu’il y a une île. Et tout est si fragile et tumultueux à la fois (en moi). Si je disparais là, dis-moi où je vais…dis-moi si je te retrouverais…putain où vont nos rêves ?

    Je me lève et je suis au bord du fleuve. Ça sent fort la vase. En Echos sur les rochers glissants j’entends encore ta voix en murmure. L’album est terminé. Il n’y a plus de son fort dans mon casque. Je l’enlève, il est autour de mon cou comme un collier.

    Le silence bruyant des songes de la nuit est partout.

    La ville est comme éteinte autour de moi, et le fleuve respire doucement maintenant.

    Je ferme les yeux.

    Tu es là.

    Tu effleures ma main et dans un souffle à mon oreille je t’entends dire Je suis là.

    Nous sommes des rêveurs éveillés.

    J’écoute mon putain de cœur qui saigne.

    A travers mon silence épais, mon armure de silence, ma muraille de silence je l’entends  encore ta voix qui murmure... I’m here.

     

    J’ouvre les yeux.

    Remets le casque.

    Relance le son.

    Plus fort.

     

    Au-delà de tout.

    Au-delà de tout.

    Au-delà de tout.

    Au-delà de tout.

    Au-delà de tout.

    Au-delà de tout.

    Au-delà de tout.

    Au-delà de tout.

    Au-delà de tout.

     

     

     


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  • " A l'aube de tes lèvres, gerce le ReV."


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  • Chef d'oeuvre écrit, lu et aussi réalisé par mon baby cat...relève assurée clairement.... <3

    (on vous mettra le texte en dessous plus tard)

     


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  • L’Enfer me semble plus apte

    A abriter mon âme

    Truc faussée en fil de fer

    Tordu sur trogne à quatre pattes.

     

    Quand j’filerai l’arme à gauche,

    ou à droite, tel un démon,

    J’prendrai une route, moche et pavée

    De mes anciennes tensions

     

    Je veux sentir l’air moite

    D’une chatte dans le malt

    De mon bourbon

     

    Mais j’rate mon suicide

    Loupe d’un nœud la sortie

    Face à moi un taré

    Sous une barbe de 26 piges

     

    I’ s’marre et m’agite

    Un jeu de clés rouillés

    Taillé en oraison

    Dans le creux de tes inventions

     

    Je veux sentir l’air moite

    D’une chatte dans le malt

    De mon bourbon

     

    J’me souviens déjà plus

    Que de nos étés indiens

    J’nous ai depuis longtemps perdus

    Dans des dizaines de refrains

     

    Sous le soleil de nos nuits blondes

    J’débouche une bouteille étanche

    De celle qu’on écluse sous les ponts

     

    Et puis qu’on balance quand y’a plus d’son


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  • Baudelaire miaule dans un coin

    Il erre bluesy-bluesant

    Il se glisse sous la couette

    Nonchalamment

    Le chat s’y cache un temps

    Pour y fumer son foin

    Jésus s’paye une overdose

    Dans un rade de St Ouen

     

                Dieu est mort ! Le frigo est vide,

                Pleurez, crevards, y’a plus rien à grailler

     

    Les pierres roulent au galop

    Sous des garrots nénuphars

    Dans les bars les lutins

    Balancent des pavés dans la mare

    Le long de l’autoroute

    Des gnomes se pendent aux arbres

    Bouddha dégueule sa cirrhose

    Dans d’étranges champs de marbre

     

                 Dieu est mort ! Le frigo est vide,

                Pleurez, crevards, y’a plus rien à grailler

     

    Les portes se referment

    Sur nos perceptions bleues

    Les oranges mécaniques

    Se croquent par grappe de deux

    Sur scène y’a c’con d’chanteur

    Et ses chansons dégueulasses

    Les prophètes flippés prennent peur

     Et entre eux se tabassent


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  • Ouais c’est vrai t’en as grave chié, t’as fait plus que de frôler l’horreur de près, mais sors de là et rejoins-nous, rejoins-nous, le cortège des écrivains un brin fracassés. On va t’attacher à nos poignets avec des bouts de fil de ruban dorés, t’vas voir que ton rire il peut encore éclater, c’est des conneries d’s’enfermer et putain tu l’sais, tu l’sais bien que tu dois nous laisser venir te chercher, on t’emmènera encore balancer les mots fous en long en large et en travers comme des vieilles cicatrices, et des mégots de clope au fond du cendrier. On t’embarquera encore à vol de piaf du fil électrique à l’océan, on t’emmènera tellement loin à parcourir la toile des mots d’Ariane, tu peux compter sur nous toujours, comme des lumières (hautes) (et ouais tu l’sais, des putain de lumières hautes) alors s’te plaît arrête de déconner, arrête de t’enfermer et reviens-nous,  tu pleures tout le temps, tu pleures partout, tu te caches, t’es en train de te casser la gueule, on sait tous ce que c’est, chacun un peu à notre manière si particulière, mais comme toi, on sait et on veut juste te dire que… quand tu reviens on va cracher les phrases encore, et graver toujours sans se lasser, ces enculés de points de suspension que toi et moi on kiffe à mort, et j’te parle même pas des ponctuations de merde surfaites et trop littéraires sur lesquelles on a seulement envie de chier. On va te la refiler la trique et t’as juste à revenir comme t’es partie, t’as surtout pas à t’excuser, juste à rattacher tes poignets aux nôtres avec les bouts de lacets pailletés qu’on aura trouvés, tu peux encore, tu peux toujours, on est là putain. Toujours. Pour toi, où que tu sois. Tes enfoirées de plumes fracassées, ta bande de triquards des mots, qui y croient sans cesse, et qui tiendront jusqu’au bout, accroche-toi, on le sait comment c’est pas facile. On le sait tous va.

    Et.

    J’le sais moi. J’le sais parce que.

    Quand moi j’me suis fracassée.

    Et ben après, toi, pour moi, t’étais toujours là.

    Toujours la même, avec ton cœur prêt à exploser, et nos délires sur les soldes à Kiabi, notre envie d’adopter un keum un peu grave Fauve, nos discu philosophiques sur la thèse macaron et l’antithèse du sablé, nos rêves de défis et de romans inachevés, et les regrets, les nausées, les rencontres, les croisades et ceux qu’on aime qui remplissent le cimetière de nos espoirs qu’on n’a pas cessé de se raconter.

    Skype c’est chiant, c’est mortel sans toi. Avec les triquards de la plume on n’ose à peine plus se parler, parce qu’on ne sait plus comment se demander des news de toi alors…

    Maintenant que t’as besoin, c’est MON tour d’être là. C’est NOTRE tour.

    On t’attend. On t’attendra le temps qu’il faut.

    Tite meuf, on doit encore s’inventer nos robes de mariées toi & moi et tous ces trucs-là qu’on n’a pas encore faits, pas encore écrits…

    Je t’attends. On t’attend. On est là. Tous.

    Et il ne manque que toi à notre décor.

    Tu manques à nos plumes et à nos cœurs en fusion.

    Reviens et on fera comme si de rien…

    Reviens.

    Basta.


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