• Je me ballade dans Petite France, 

    Sous la neige couvant nos errances. 

    Quelque part dans ce brouillard blanc, 

    Les lanternes pendent en berne, 

    Sur le faîte d’un taïga 

    Qui s’croyait éternel. 

    Il pousse et perce sur les trottoirs, 

    Des bottes fatiguées le piétinent. 

    Là-haut, rien ne prends jamais 

    Vraiment racine.

     

    Le vent d’Est souffle les bougies

    Aucune herbe, rouge ou non,

    Ne vit par ici

     

    Petite France se couvre de neige

    Le froid gèle nos raisons

    Les souvenirs hibernent et se relèvent 

    Quand un soleil d’ébène en contraste

    Après un hiver trop long enfin s’éveil

    Putain d’astre,

    Putain de con

     

    Petite France se découvre en Mars

    Les pavés s’révèlent sous la glace

    La casba est verouillée

    Fest Noz, c’est avorté

    Tout se fige, en pause

    Mais les souvenirs résistent

    Et défilent en une morne prose

    Défilent, 

    Et puis s’effilent

     

    La lanterne est en berne mais je me rappelle 

    A son visage et son rire

    A son corps, son âme 

    Dehors, tu les entends mugir

    Laisse-les mourir

     

    Ecorche-moi ces fils de pute

    Cache les restes sous les vérolés

    Là bas, bute-les encore

    Là bas, viole leurs corps

    Arrache leurs cœurs, dévore leurs peurs

    A plusieurs on est plus fort

    A plusieurs, on est un peu moins

    Mort ? 

     


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  • Linda laissa sur la table de sapin

    Quelques billets froissés en satin

    Alors ça y'est,

    Je suis sa pute

     

    Et sans attendre Linda s'élance

    Traverse une ligne blanche

    Et s'épanche 

    Sur les cendres

    De nos années en défaillance

     

    Linda ce soir se méta-

    Morphose une première fois, 

    Elle se fond dans la nuit

    L'air de pas grand chose,

    Le long d'une Seine calme 

    Où dégueule le Veuf de Nerval

     

    Linda écrase dans mon cendar'

    Mes derniers mots raturés,

    Un reste de rage et 

    Un morceau de nos mémoirs

     

    Linda ce soir se pique

    De savoir dans un fix'

    Halluciné 

    Qu'il convenait mieux qu'elle

    Se tire avant l'été

     

    Les méandres cervicales

    Tirent duraille sur l'alarme

    La corde se tend

    Et puis se fâne

     

    Linda ce soir se barre

    Linda ce soir se barre

    Elle se tire dans un fou rire

    Traverse encor' un fleuve

    S'allonge sur ses rives, 

    Elle chante les riffs de la lyre

    D'un Orphée déjà bouffé

    Par les Neufs Fées 

     

    Linda ce soir se barre

    Linda ce soir se barre


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  • -La bleue.

    -Tu es sûre ? J'ai demandé.

    -Thibaut, je... je m'en fous. Mets la cravate que tu veux. J'ai pas la tête à ça, je dois me changer, je dois...

    Sa voix d'ange s'est brisée. Elle était arrivée au bout de sa fermeté de façade. La digue avait cédé :

    Elle pleurait.

    Je me suis avancé pour l'enlacer. Elle s'est laissée aller contre moi comme une naufragée perdue dans un océan de chagrin, avant d'enfouir son visage dans le secret de mon épaule, près de la clavicule. Alors j'ai refermé les bras sur elle et j'ai rapproché mes lèvres de son oreille, puis je lui ai murmuré des mots de réconfort, des papillons de tendresse téléguidés vers son cœur chaviré. Et partout entre les mots, je plaquais des baisers sparadrap.

    Quand elle a retrouvé un peu de contenance, elle a revêtu une robe sombre, cintrée. Elle avait relevé sa chevelure, qu'elle retenait en chignon. Ça dégageait sa nuque. Elle était ravissante. Une dernière fois elle a voulu que je lui dise que sa tenue convenait, qu'elle n'avait pas mis trop de parfum, qu'elle faisait pas vulgaire.

    J'ai tout dit comme il faut, puis nous sommes partis.

    Le crématorium se trouvait à une heure de route à peine. On était parti en avance. Elle m'avait supplié de ne pas lui adresser la parole durant le trajet. Elle voulait pas. Elle craignait que ça la fasse pleurer. Un rien la faisait fondre en larme, c'est vrai. D'ailleurs en me le demandant, elle avait éclaté en sanglots. Ensuite, elle avait dû refaire son maquillage.

    Alors je me taisais.

    Elle était assise avec les jambes serrées. Sa jupe était remontée de quelques centimètres. On voyait ses genoux, et un peu ses cuisses. J'ai regardé ses cuisses.

    Puis je me suis demandé à quoi elle pouvait penser, figée comme elle l'était, avec ses mains toutes crispées sur son sac minuscule.

    Sur le siège arrière, j'avais déposé une toile que j'avais peinte et qu'on prévoyait de joindre au cercueil. C'était l'idée de Samantha. Elle avait imaginé qu'on peindrait chacun notre toile. Et puis qu'on les glisserait au côté de son père, avant le grand départ. Elle voulait des couleurs, des sentiments, des tas de bouts de nous deux avec lui, pour lui, afin qu'il les emporte vers je-ne-sais-où, en ne nous laissant que des cendres. Elles avait des idées mystiques, des fois, mais je supposais que c'était tant mieux, que ça pouvait l'aider, vous savez, pour le deuil tout ça. Pourtant ça ne m'enchantait guère. À l'époque je roulais pas sur l'or. Ma cote commençait tout juste à grimper et je savais qu'une toile pouvait me rapporter plusieurs milliers d'euros. Puis surtout, j'avais du mal à me séparer de mes œuvres, alors, voir l'une d'elles partir en fumée, ça m'emballait pas trop. Mais j'avais accepté sans broncher. Elle venait tout juste d'apprendre que son père allait mourir d'une saloperie de cancer. J'avais donc pas tellement le choix.

    Sam peignait, elle aussi. Et ses tableaux valaient trois fois les miens. Dans son atelier elle travaillait avec acharnement. Elle y mettait tout son cœur, et pas mal de son âme. Elle avait mis entre parenthèse tous ses projets pour se consacrer à sa toile. Et à son père. En voyant ça, je culpabilisais. Décemment je pouvais pas peindre une croûte, mais l'inspiration venait pas.

    Un soir, elle m'a appelé pour me dire que l'état de santé de son père s'était brusquement dégradé. Il était en partance. Sa voix, blanche comme un blizzard polaire, est venue se ficher dans mon bide. Je savais pas quoi dire. J'ai proposé de rentrer plus tôt pour qu'elle ne soit pas seule à la maison. Mais elle avait décidé de passer la soirée à peindre. J'ai demandé si elle en était sûre,  si elle préférait pas, si elle avait pas besoin...

    Elle était sûre.

    Ça m'a fait comme un déclic. De mon côté, je me suis mis à l'ouvrage pour de bon, consacrant tout mon temps, et toute mon énergie à terminer mon œuvre. J'ai injecté dans ma toile tout l'amour que j'avais pour elle. J'y ai planqué un tas de joie, et de douleur, comme si ça pouvait la soulager de la sienne.

    Puis son père est mort.

    Elle en revenait pas de toute la tristesse qui lui tombait soudain sur le coin de la tronche. Abasourdie de souffrance elle est restée prostrée sur le canapé du salon. Y avait rien à faire pour la soutenir, sinon se tenir là, près d'elle. Comme un garde malade.

    Les gestes, les regards.

    Elle en a pas bougé pendant tout une journée, pendant un siècle, de son morceau de salon, comme si en se levant, elle risquait de dégringoler dans la gueule noire d'un précipice sans fond.

    D'un coup, elle comprenait ce que ça voulait dire, la mort.

    Mourir.

    Une abstraction qui devenait concrète. C'était pas explicable. Elle se trouvait amputée d'un tas de fragments d'enfance, d'adolescence, d'âge adulte, des parcelles de vie qui s'en allaient par lambeaux.

    Elle s'est mise à pleurer. À gros bouillon.

    Les tempêtes succédaient aux tempêtes et ça devait bien ressembler à l'apocalypse : Les sept sceaux, les sept trompettes, et les sept coupes, vingt-et-un fléaux, mais Samantha se trompait dans ses comptes parce qu'elle en balançait bien plus que ça des ouragans.

    Une journée a passée comme ça, puis elle a cessé de pleurer.

     

    Le jour de la cérémonie est arrivé.

    Au moment de partir, sur le perron, elle a regardé ma cravate. J'avais mis la bleue.

    Elle a dit que je devrais changer. Puis j'ai penser à nos deux toiles.

    -Les peintures ! Je me suis exclamé. Je vais les chercher. Où est la tienne ?

    Elle a dit comme ça, qu'elle ne l'avait pas achevée, qu'elle préférait la garder pour la poursuivre plus tard. Qu'elle en ferait quelque chose de beau.

    J'ai rien dit. J'ai pris sur moi en allant récupérer la mienne, qu'était magnifique à pleurer.

    Je l'ai rangée sur le siège passager, puis j'ai regardé Sam qui regardait la route à travers ses lunettes noirs, avec sa jupe relevée sur ses cuisses, avec ses mains crispées et sa nuque dégagée.

    J'ai rien dit.

     

    Puis nous sommes partis.


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  • Neige.

    Nouvelle écrite par Silvergroover

    Lecture : El.

    La suite de la suite de la suite....

    Là avec les dialogues j'me suis sentie un peu seule quoi ^^

    Pour ceux qui ne connaissent pas, ou qui ont envie de réécouter le début faut cliquer juste là :

    Neige I/1

    Neige I/2

     

    Elle

     

    La première chose qui me frappa, lorsque je pénétrai dans le chalet, fut l’atmosphère de solitude jalousement entretenue qui y régnait. On eut dit que quelqu’un l’avait battit seul, pierre après pierre, à la force de ses muscles et qu’il comptait en avoir tout aussi seul la jouissance. J’avais une grande connaissance de la  solitude et celle-ci était protégée comme une citadelle imprenable. Je comprends qu’il ait mis tant de temps à m’ouvrir.

    Tout ici paraissait replié  sur soi-même, ne vivre que pour soi. Le feu dans la cheminée se regardait resplendir. Les braises faisaient rayonner les bûches avec l’espoir rouge ardent qu’elles ressuscitent en braises naissantes. Le piano poussiéreux qui ornait un coin se récitait silencieusement des mélodies secrètes. Même les livres, éparpillés sur le sol, ne paraissaient avoir besoin d’autres lecteurs qu’eux mêmes. Et cet homme, maître de cérémonie de ce monde enfoui dans ce monde, de cet univers de solitude, veillant farouchement le silence...

    Il ne sembla pas décontenancé par mon impromptue visite. Quoique légèrement contrarié, son regard ne portait aucune surprise, aucune question. Le chien, par contre, prit peur et s’enfui. Lui avait deviné. Les animaux savent ces choses là.

    Le feu dans l’âtre exhalait une douce odeur de résine. Je m’en approchai pour m’y réchauffer. Le silence avait prit les choses en main. Il me regarda enlever mes gants et mon écharpe sans émettre le moindre commentaire. Il était le gardien du silence et appliquait son rôle scrupuleusement. Je mis son manque de réaction sur le coup de l’indifférence plutôt que sur l’absence de surprise. Il ne m’attendait pas mais cela ne semblait pas avoir d’importance pour lui. Il fut juste un peu surpris de la réaction de son chien mais retomba aussitôt dans une sorte d’attente soumise. Il attendait la suite des évenements, ou peut-être tout simplement que je m’en aille. Assis en tailleur, une couverture sur le dos,  il semblait intouchable. Me frottant vigoureusement les mains, j’attendis qu’il me demande des explications. Rien ne vint. Il était cloué dans la nuit. J’enlevai mon manteau froid et humide au rythme du silence. Quelques flocons tombèrent de mon col sur le sol et moururent au même instant. N’était-ce pas Shakespeare qui s’était demandé ce que devenait le blanc, une fois la neige fondu ?

    Il meurt, c’est tout.

    Enténébré dans ce silence, je m’approchais davantage du feu, enlevais mon bonnet et y déversais mes cheveux. Je sentais son regard posé sur moi. Il n’avait toujours pas prononcé un mot.

    N’y tenant plus, engoncé dans ce mutisme, je me décidais à rompre le silence :

    - Excusez-moi de vous déranger, mais je suis tombé en panne à quelques mètres d’ici.

    Un vague soupçon d’intérêt dans son regard.

    - En plus, je me suis perdue.

    Quelques clignements d’yeux m’incitaient à continuer.

    - Alors j’ai vu votre maison et...voila.

    L’imperceptible mouvement de ses sourcils ainsi que celui des ailes de son nez lorsqu’il respirait.

    - Mais je ne vais pas vous déranger bien longtemps. Il me faudrait juste donner un coup de téléphone. Mon portable ne capte pas ici.

    Contre toute attente, il déclara :

    - Je n’ai pas le téléphone.

    Sa voix, pourtant peu sonore, détonna dans l’épais silence.

    - C’est pas un téléphone, là-bas ? lui  dis-je en désignant du menton un coin de la pièce.

    -Il ne marche pas. La prise a été arrachée.

    D’un rapide coup d’oeil, je vérifiais la prise. Des fils nus agonisaient, décapités. Je le soupçonnais d’avoir lui même accompli ce travail mais ne fit aucun commentaire à ce sujet.

    - Vous n’avez pas Internet ou même, je ne sais pas, un radio-émetteur ?

    Son regard ne fit que confirmer ce que j’avais deviné. J’eu même droit à un piètre sourire à l’évocation  d’« internet. »

    - Mais comment faites-vous pour communiquer ?

    - Je ne le fais pas.

    Décontenancée, je m’approchais du feu en me frottant les bras. Je n’arrivais toujours pas à me réchauffer. Le chien n’était toujours pas réapparu.

    Frissonnante, je lui demandais :

    - Excusez-moi de vous demander ça mais auriez-vous quelque chose de chaud à boire ? Je suis glacée. Du thé ou du café, n’importe quoi qui puisse me réchauffer.

    Il me regarda un long instant avant de répliquer en m’indiquant une direction du bout du menton:

    - Dans la cuisine. Placard de gauche. Première étagère.

    Me contentant de ces ellipses, je me dirigeai vers la petite cuisine. Placard de gauche. Première étagère.

     

     

     

     


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  •  

    Cher plumz, j'te poste Le p'tit truc en passant (comme elle le nomme elle-même) de Loua...inutile de te dire, le texte est une mini bombe...

    Tu lis le jet et faut qu'tu trouves de quoi elle souffre la narratrice...si t'as trouvé, donne ta réponse dans les com plus bas, c'est le premier qui trouve qu'a gagné!

    A vos ciboulo, prêts feu go!!! ^^

    *********

     

    Tu te promènes sur le quai avec l'impression de tirer un boulet derrière toi. Les mains dans les poches tu renifles, le nez glacé, les cheveux rendus lourds par la brume envahissante qui humidifie tout, et surtout tes joues. Tu te frayes un passage au milieu des gouttelettes en suspend, ça fait écho aux clapotis du fleuve qui ne se remet pas encore du passage d'un bateau une éternité plus tôt. Les mouettes te survolent négligemment, tu entends le froissement des ailes et leurs cris qui résonnent sous la voûte du pont, ta présence ne change rien à leur vie.

    À la tienne non plus d'ailleurs.

    La chaleur de ton manteau parvient à peine à chasser le brouillard de tes pensées. L'air frais s'insinue dans tes poumons par tous les pores de ta peau, pourtant tu serais vraiment mieux chez toi, sous ta couette, avec un bol de soupe ou de chocolat chaud comme quand tu étais môme et malade. Mais il paraît qu'aujourd'hui tu es grande. Comme si ça voulait dire quelque chose.

    Ta chaussure envoie voler un caillou dans l'eau, tu l'entends presque crier à l'aide, ou bien peut-être que tu inventes un peu sur ce coup-là. L'odeur de l'eau grimpe le long de ton pantalon, c'est indescriptible et atemporel, c'est la marée qui houle et te berce dans un infini mouvement de ressac, c'est l'algue, l'iode et le varech qui remontent le fleuve depuis la mer, c'est l'annihilation des distances et un vrai retour aux sources.

    L'air est gras comme une terre trop imbibée par la rosée, il te glace les sangs chaque fois que tu inspires, c'est pour ça que tu sais que tu es vivante.

    Tes pas résonnent lentement, ponctuent la reptation lente de tes résolutions. Il faudra bien y aller, jouer la comédie en espérant ne pas trop troubler l'odeur paisible des chrysanthèmes qui étouffent tout sous leurs bons sentiments. Il faudra sourire en façade et mettre un peu de chaleur dans ta voix, juste pour ne pas crever cisaillée par le hachoir qu'est celle de ta sœur, juste pour faire fondre un peu les bris qui traînent dans celle de ton frère.

    Tu anticipes la puanteur de l'eau de Cologne aseptisée de ta mère, et rien que d'y penser ça désinfecte déjà tous les sentiments qui pourraient encore te griffer les côtes. On te demande juste de faire acte de présence devant la tombe de ton père, de monologuer un peu avec la pierre, et de ne pas trébucher dans le gravier.

    C'est quand même possible de faire semblant d'avoir une famille une fois par an, non ?

    Tu inspires, tu serres les poings pour ne pas laisser tes doigts trembler. Tu aurais dû prendre des gants. Sous tes pieds le sol s'élève petit à petit, le quai s'éloigne du fleuve et remonte lentement jusqu'à la route.

    Celle qui te mènera au cimetière.


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  •  

     

    Un petit cadeau de Christine qui s'est amusée des pensées...

    J'ai ajouté cette image, d'un coloriage que c'est moi qui l'ai fait!

    Et La Plume du Chakal a déposé sa patte de Beaudelaire.

    Maintenant, à vous de rêvasser librement la suite et la déco avec nous, si l'âme vous en dit... :)

     

    *********

     Le début de la liste (Christine)

    Une pensée, c’est l’illumination instantanée d’une certaine quantité de neurones.
    Une pensée peut être claire, limpide, elle n’engendre, généralement pas, de maux de tête ou de questionnements étranges ou inconsidérés.
    Une pensée peut être confuse, celle-ci apporte à son détenteur une expression faciale très particulière entre la grimace et le pétage de plomb.
    Une pensée éclair, aussi vite apparue déjà disparue, cela déclenche alors une frustration qui dure parfois toute la journée.
    Une pensée peut, également, soulever des doutes, surtout si elle est accompagnée d’un si ou d’un peut être. Elle peut laisser la personne interloquée, les poings sur les hanches entrain de fixer le néant.
    Une pensée noire, ( note au lecteur à oublier de suite, mauvaise pour la sante peut marquer le visage de rides tout à fait disgracieuses) .
    Une pensée coquine, gentiment rougissante ou carrément osée (pourquoi pas on a le droit) à utiliser sans modération d’aucune sorte, ça fait du bien et ne nuit à personne (enfin pas à ma connaissance).
    Une pensée tordue, entraine un petit rire satanique qui inquiètera votre entourage.
    Une pensée rigolote, sous forme de blague à deux balles par exemple, votre rire incontrôlable, provoquera des regards disant pour la plupart “mais elle(il) est pas bien dans sa tête!!!!!!” surtout si vous êtes dans un magasin ou dans un transport en commun.  Dans un tel cas faites semblant d’être au téléphone ça peut aider.

    Voila une liste de petites pensées, vous n’avez plus qu’a parsemer quelques unes de vos pensées à la suite.

     

     

    Coloriage (El.) 

    Les pensées de Christine, plus les nôtres, ça ferait ribambelle...

     

     

     

     

    Des pensées en vrac (La Plume du Chakal)

     

    Des pensées en vrac qui s’bousculent le long des rails

    Des pensées fades qui s’fanent quand on les déballe

    Comme une chanson en gestation trop longue

    Etalée sur trois saisons, c’est interminable

     

    Des pensées sous vase clôt, irritables 

    Comme une nuit sans pinard sur la table

    Des pensées viciées par les dernières

    Fleur du Mal

    Des pensées transfusées en intraveinale

     

    Je les stoppe comment ?

    Je les stoppe comment ?

     

    Des pensées envahissantes même sans rêver

    Ca skouatte les fonds d’verres et d’cendrier

    Des pensées usantes même sans se saouler

    Posées sur la glace et sous la carte à créditer

     

    Des pensées saturées, le vumètre pète un plomb

    Expansion du cervelet sous haute tension

    Des pensées éclatées comme une rose en été

    Comme un con cueilli avant sa véraison

     

    Je les stoppe comment ?

    Je les stoppe comment ?

       

     


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  • J'marche en équilibre sur un fil de fonte encor’ vierge de mes futurs vices. J'les laisse respirer deux minutes avant d’quitter la berge. Eux aussi ont l'droit de vivre et dormir. Au large, un ange crève d’un fou-rire. 

    Dehors les jours s'ennuient et y'a mon whiskycoke qui r'froidit. 

    Autour de mon corps en banquise, et sur le vide en vieille guenille, un tas de traces de pas partant dans plein de sens me laisse un peu con face à une page blanche. D’un coup de canine, j'débouche une bouteille étanche, de celle que l'on balance à la gueule de son paternel aux dernières heures de la transe ou de la vie. 

    J’ai pas encore fait la vaisselle et y’a mon whiskycoke qui r’froidit. 

    Les violoncelles jouent une dernière rengaine, et puis éclatent leurs cordes et violent celles en désaccord quand les derniers rêves dans le jour fuyant s’achèvent. Ce serait ma faute à moi tout seul et mes déviances, oublions ton besoin de reconnaissance, nocif dans ce miroir plein-pied que tu refuses de regarder. J’sais plus écrire, ta silhouette s’estompe entre mes lignes alors tu m’refais signe, marque ma page, me rappelle à ton bon souvenir. Tes télégrammes s’entassent à l’entrée de ma tanière, j’y réponds pas, les lis à peine, dans une diagonale peu attentive. Tu mates encore passer mes nuits les glozzes clôts, sans un sourire ni même un regard pour ta propre vie. 

    J’sais pas parler, j’sais plus écrire et 

    y’a mon whiskycoke qui est déjà vide. 

     


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  • Une compo de Silver (merki !!! :))))))))))))

    T'ouvres juste les écoutilles et après si tu le sens, tu balances de la plumz d'encre, ou tes crayolas, on encore ta voix dessus ou c'que t'as envie d'autre...c'est libre, juste laisse-toi embarquer par la vague...

     

     

    - Jet 1 -

    Grains de sable - (Inspiré de la compo de Silvergroover) - Rafistoleuse

     

    Tu dors encore. T’as l’air de trouver ça hyper confortable, ce tapis de sable un peu humide. T’as les cheveux tout collés aux tempes et sur ton poignet gauche que tu viens de bouger je caresse la marque des coraux. Ça fait des creux rosés sur ta peau blanche, et c’est doux. Je suis allée à la station ce matin. La même qu’hier. Et ce gars-là, qui nous a servi nos chips, nos clopes et la bouteille de vin que tu t’es galéré à ouvrir parce que c’est toi l’homme. C’était le même que ce matin, à qui j’ai demandé deux pains au chocolat frais d’avant-hier et tout justes remis au four. Quand je l’ai vu, la mine fatiguée comme sa politesse, j’ai eu l’impression que j’avais gagné. Pourtant il était au même endroit, les mêmes fringues qu’hier, tout comme moi. Mais j’étais plus riche. Bien plus. Et ça se mesure à autre chose que les plis sous les yeux. Il lui manque, je sais pas, le sel. L’essence. Et pourtant je veux dire, son métier, quand même.

    Tu dors encore et je crève de te réveiller et que tu réalises que t’as dormi la bouche entrouverte, face contre sable. Tu vas grincer. Tu respires profondément comme si la plage c’était ton plumard. Je fais l’inventaire de ce qui t’entoure et c’est sublime, tu verras. Les bougies chauffe-plat ont pas servi, le vent s’est foutu de toi. Reste des chewing-gums parfum pomme-de-terre-huile-sel-sable au fond d’un paquet éventré. Et puis moi, qui essaie de te réveiller pas trop fort pour que tu crois que ça vient de toi. Et que je sente à nouveau, très vite, la musique de tes doigts.

     

    *

     

    Vas-y. J’comprends pas pourquoi t’hésites autant. Bordel, si c’est pas à trente ans que tu fais ça alors tu le feras jamais. Allez, c’est pas comme si tu connaissais pas, tu l’as au moins vu même si t’as pas testé. Nan, mais me dis pas que tu vas y aller comme ça ?! De quoi t’as peur, putain ? Les gens, là tout de suite, tu t’en fous, royalement. T’as juste à enlever quelques vêtements.

    Vas-y. Je te promets ça en vaut la peine. C’est vrai. C’est beau. C’est tumultueux. Mais une fois qu’on l’a vécu, on se sent régénéré. Si si. Comment je le sais ? J’suis pas con, j’ai lu ça dans les livres, je l’ai vu dans les films. Personne d’autre ne te voit. Il n’y a que moi, tu sais bien. Et toi et moi on n’est qu’une.

    Allez lance-toi.

    Tu vois ? L’eau, elle est super bonne ? Pourquoi on a attendu si longtemps ?

     

    *

     

    Toi. Eux. Moi. Nous. Emboîtés comme un genre de Tétris tout raplapla.  

     

    « - MERDE … Putain c’est qui le con qui me balance du sable dans la gueule…

    -          - Ta gueule…

    -      -   - Oui MA gueule…

    -          - Nan, LA FERME ! Tu vois pas qu’on essaie de décéder en paix…

    -          - Eh ! Qui sait qui a pissé sur mon sac ?

    -          - C’est la bouteille…

    -         -  Non c’est pas possible, on serait pas endormis sans les finir …

    -         -  Attends… je crois que c’est moi …

    -          - DEGUEULASSE ! »

     

    Dégoût général.

     

    «  - Hé… Pss… Tu te rappelles pas qu’on s’est baigné dans la nuit ? T’as gardé ton jean pour garder le contrôle…

    -       -   J’ai gardé le contrôle ?

    -         -  Un peu trop à mon goût… Desserre les cuisses !

    -         -  Quoi ?

    -          - DESSERRE LES CUISSES, L’ENTREJAMBE C’EST-CE QUI SECHE LE MOINS VITE ! »

     

    Hilarité générale.

     

    « - Tu viens on va marcher ?

    -          - Je sais pas trop, t’as prévu de me foutre la honte comme ça encore longtemps ?

    -          - Ah mais tu savais pas que c’était ça d’ai…

    -         - D’être quoi ?

    -         - Incontinent ! »

     

    Sourire. Gêne. Sourires.

    Toi. Moi. Eux. Nous. Un chaos d’absurdités et de merveilleux.

     

    ******************************************************************************************************

    - Jet 2-

    Grain de Soleil. (El.)

     

    - Un jour où t’étais loin, t’as dessiné une lettre dans le sable et après tu m’as envoyé la vidéo.

    - J’m’en souviens.

    T’es calme. Posé là sur cette plage, un galet entre les doigts et moi à tes côtés. Le soleil de fin d'après-midi d'Octobre pique nos rétines.

    - J’ai pas assez de toi en ce moment, on fait que de se croiser alors que j’veux qu’ça dure des heures et des siècles…mais toi tu t’en fous, la journée tu bosses tes gammes comme un bourrin et la nuit tu dors au lieu d’être avec moi…

    - C’est pour pas qu’à force d’en avoir de trop tu finisses par te lasser de moi.

    Ton sourire et le bruit de l'océan, ça fait comme des respirations. On a le sentiment d’un souffle éternel.

    - Suis sérieuse.

    - T’apprendras un jour que, ce que t’as, c’est juste ce qu’il te faut.

    - Arrête de parler comme un grand sage, je veux avoir plus de toi, plus de vie, plus de lui, plus d’eux, plus de tout…

    - C’est pas possible ma moche. La vie c’est pas comme ça.

    J’colle ma tête contre ton épaule endurcie par tous ces combats et ces entraînements que tu pratiques sans même me demander si ça m’emmerde pas que d’autres aussi cinglés que toi te foutent sur ta belle gueule.

    - Ils sont prudents, on est toujours prudent dans ce genre de sports.

    - Tu…t’as lu dans ma tête ou quoi là ??

    - Ouais, j’ai des supers pouvoirs…par contre, j’arrive pas à savoir si t’aimes bien le morceau qui passe là, maintenant dans tes tympans alors que t’es en train d’écrire ce moment de nous deux sur ton PC…

    - J’vais pas t’le dire mais…admettons que j’l’aime, qu’est-ce que ça peut foutre ?

    - Possible que ça m’file un peu la trique, j’sais pas faut voir…

    Tu allonges ton dos dans le sable froid de l’automne et j’bascule contre ton torse. D’manière, j’ai plus trop envie de faire autre chose que suivre ton mouvement à toi. Depuis toutes ces années, c’est ton mouvement qui me guide, qui me tient la tête hors de l’eau, les neurones en rêves, les doigts sur le clavier. 

    - Faut ranger un peu ta tête ma moche. Faut te fixer des objectifs, des trucs que tu peux atteindre et faut y aller. T’es capable.

    - J’suis en deuil, j’suis en dépression, j’suis affectivement pas stable, et c’est tous les jours des bombes nucléaires dans mon ventre.

    - J’suis là moi. Tu peux compter sur moi. Et étant donné que t’as décidé de pas t’aimer, j’vais m’arranger de l’faire pour deux.

    - J’ai pas décidé de pas m’aimer…j’y arrive pas c’est tout.

    - Ça viendra.

    Tu sors tes clopes de la poche arrière de ton jean. Tu joues un peu avec le paquet que tu fais tourner entre tes doigts, tu l’ouvres, tu sniffes un coup l’odeur du tabac, tu le refermes et il retrouve sa place privilégiée contre ta fesse gauche.

    - Tu tiens bon ? T’as pas repris ?

    - Possible…

    - T’es chiant à faire des mystères et à pas me répondre !

    - C’est un truc qui plaît aux meufs ça le mystère.

    - J’suis pas les meufs

    - Bien sur que si.

    J’entends les battements de ton cœur, et j’essaie d’me perdre les pieds dedans, de trébucher derrière tes paupières fermées. Au fond de toi j’connais le type qui se bat, qui s’accroche, qui reste droit, qui vanne l’air de rien, qu’est cap de retrouver mon sourire même quand j’l’ai foutu sous des tonnes de béton armé.

    Mais ça n'est pas tout toi. Tu gardes tes secrets. Et moi certains des miens. Personne ne sait jamais vraiment personne, c’est comme ça et l’océan n’y peut rien.

    - Toi tu veux toujours me convaincre que rien n’est impossible et me tirer vers le haut.. Pourquoi ?

    - Du tout, j’veux juste te convaincre de coucher avec moi…

    - T’as pas besoin de me convaincre là-dessus.

    - Cool, enlève tes fringues.

    Ça m’fait marrer, ça t’fait sourire et après j’décide de me ronger l’ongle du pouce pendant que toi, tu dévores de tes tympans l’horizon à la recherche de notes perdues dans le vent du large.

    - On l’a finie la bouteille ?

    - Ouais t’as tout bu ma moche tu sais pas te gérer…

    - Branleur putain !

    - J’en ai une autre si t’as envie.

    - Nan vas-y file moi la vide.

    Tu me la tends, je la prends, je sens le verre froid dans ma paume, et sous mes godasses le crissement du sable et des éclats de coquillages. J’les enlève et aussi, mon froc et mes chaussettes et tu m’regardes amusé avec tes yeux qui comme chaque fois qu’on est ensemble pétillent des bulles d’espoir et d’optimisme.

    - J’vois ta culotte (tu dis).

    - J’t’emmerde, viens, lève-toi.

    - Et faut que j’me dessape aussi ??

    - J’me les gèle grave moi comme ça, y a pas de raison que tu me prouves pas ton courage…

    - C’est toi la branleuse…

    On part main dans la main, comme des grands gamins, quasi culs nus, vers les premières vagues qui s’échouent sur la plage…ça glace nos orteils...puis nos mollets et presque nos cuisses, on est vraiment très forts! Nos joues et notre nez sont rougis. D’un coup j’me souviens que le carnet est resté dans la poche de mon futal, donc j’y retourne en courant et tu gueules au vent :

    - Hey me laisse pas là tout seul comme un con dans le froid j’ai la bite qui rétrécit !!

    Evidemment j’me marre en éclats. Tu l’sais qu’j’adore ce genre-là. J’reviens toute essoufflée avec la page que j’ai déchirée dans le carnet.

    - Han tu vas faire une bouteille à la mer ma moche ??

    - Vi r’garde, j’mets le p’tit papier en parchemin là, j’le coince dedans la bouteille, on referme et…tiens.

    Je te tends la bouteille S.O.S.

    - Nan vas-y toi c’est ton idée, et en plus je sais pas quelle connerie t’as mis à l’intérieur.

    - Une tof de ton cul banane !!

    - Classe la meuf…j’adore…bon en attendant de voir mon postérieur balance de toutes tes forces…

    - Compte vas-y…

    - Jusqu’à combien ?

    - Disons 3.

    - 1….2……3…… !!!!!!!!!!

    J’trouve que c’est beau. La musique en fond sonore, la respiration de l’océan, la tienne, nos culs qui se les gèlent, la poésie dans une bouteille, le soleil orangé/or de l’automne, notre histoire, et aussi celles des autres…qu’on s’invente, qu’on se raconte, qu’on se partage…

    On remonte en haut de la plage et on s’habille en vitesse, moitié congelés. Tu me serres contre toi, et j’cache mon nez dans ton pull trop laid.

    - T’as mis quoi sur le bout de papier ?

    - Un truc Fauve

    - Et sinon ?

    - « Tu peux changer si tu l’désires, t’ouvrir aux autres, te mettre à nu. Trompe toi, sois imprudent, tout n’est pas fragile, n’attend rien que de toi, parce que tu es sacré, parce que tu es en vie, parce que l’plus important n’est pas c’que tu es mais c’que tu as choisi d’être. »

    - Tu vénères les textes de ces mecs qui disent juste exactement la même chose que j’te répète depuis la nuit des temps…

    - T’es jaloux.

    - Non.

    - Alors imagine…

    - Quoi ?

    - Une magnifique sirène aux cheveux roses, tombe sur la bouteille…dedans y a un peu de toi et moi et aussi des fragments du monde…

    - Non, un marin…

    - Quoi un marin ?

    - Il trouve la bouteille, et il entend ta voix qu’il y a dedans, et qui raconte que la vie c’est un truc de sacré…

    - Et ?

    - Il peut alors redéfinir l’amour et l’univers tout entier...se branler et s'endormir peinard dans son hamac défoncé.

    C’est bien aussi quand tu fais le poète, parce que c’est comme pour le reste, tu le fais pas à moitié. J’me sens glisser contre toi, au calme, on tient encore debout, ébouriffés par le vent. J’entends ta voix qui me dit les belles choses que j’sais jamais me garder, parce que j’ai peur.

    - On peut tout se dire ?

    - Oui on peut.

    - Alors c’est pour ça qu’on va se taire ?

    - Oui voilà, c’est pour ça.

     


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  • By Parismrs...à lire et...à relire...encore...

     

    *********

    T'es passé où ? Ça fait tellement de temps maintenant, que je sais plus bien si t'étais vrai, si t'étais pas qu'un reflet, un sourire au coin de ma tête.

    T'es passé où bordel ? Et puis, qu'est-ce que tu as fait de ta vie ? Des mélodies en morceaux écrites sur le rebord d'une table que tu murmures quand les vagues reviennent ?

    J'ai pas fait mieux, tu sais.

    J'me demande si tu te souviens des nuages et de toute la moisissure qu'on balançait dans les verres, des pliures de mon rire et du tien, tu te souviens ? On voulait recommencer chaque fois que le soleil se barrait.

    J'me demande si tu te casses encore quand t'en peux plus, si tu t'mets toujours à ta fenêtre en regardant les lumières qui se couchent et qui se relèvent une à une, tes certitudes  avec.

    J'sais pas si un jour on se recroisera tu sais, si on s'allongera encore sous les cerfs-volants de Calais en se disant que c'est des bouées de ciel pour nos idées loupées. J'sais pas.

    Ma vie à moi, elle a pris plein de rides, plein de froid, dans les creux et en dehors,  c'est pas parce que t'es plus là, c'est parce que j'me cogne trop, tout le temps et que j'm'ennuie de recommencer les mêmes chemins sans fin.

    T'es passé où bordel ? Parce qu'il me reste que des éclats de rêves et des miettes de tes histoires, pas de quoi se faire des ventrées.

    Écris-moi.


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  • Neige.

    Nouvelle écrite par Silvergroover

    Lecture: El.

    Ben y en a des qu'ont demandé la suite alors...voili-voiloù...:)

    Et si tu clikes là, t'as le début Neige I/1

     

     

     

    Moi (2/2)

    Chaque jour de solitude me rendait un peu plus animal et chaque nuit blanche me poussait à hurler silencieusement  cette solitude à la lune, bestialement, les crocs écumants, l’oeil fiévreux. L’animal qui se repaissait de mes entrailles, était celui-là même que j’avais dressé pour attaquer. Cette bête féroce, que j’avais consciemment débusquée, cet isolement que j’avais tant recherché me rendait chaque jour un peu plus bestial. Mon monde m’était devenu inconnu, mes paires de moins en moins similaires. Ha, cette fichue solitude, qui n’était pas assez puissante pour me submerger mais ne me permettait de respirer qu’une fois sur deux. Si ce n’était Mathilde qui venait une fois par mois pour m’apporter les livres et Génaro, je vivais dans le délaissement le plus total.

    Tout ça à cause de toi.

    En fait, je crois que je ressemblais plus à Pastorius (ainsi qu’à l'espèce animale en général) qu’à n’importe qui d’autre ; moi-même compris. Moi, je ne ressemblais plus à rien. J’avais perdu mon identité et délesté mon existence de bons nombres de ses besoins en emménageant ici. Même mon ego, si fort autrefois,  je l’avais réduit à néant, le foulant furieusement du talon pour qu’il n’en reste que poussière. De la poussière et des cendres. Cela faisait une éternité que je n’avais pas rencontré mon visage dans un miroir mais si cette rencontre avait eu lieu, je suis persuadé que je n’y aurais rien vu s’y refléter. Je m’étais tellement dépouillé que j’en devenais invisible. J’étais venu ici les mains vides, conscient du lourd fardeau qui de toute façon m’incomberait et qu’il me faudrait inévitablement porter seul. C’était amplement suffisant.

    Pour la première fois depuis longtemps, j’eus envie de fumer; l’une des nombreuses habitudes que j’avais laissé derrière moi, inutile. Il y avait bien ce paquet que Génaro avait oublié et qui devait traîner dans la cuisine mais l’idée d’aller le chercher me parut au-delà de mes forces. Et puis ils avaient annoncé de la neige, je ne pouvais pas rater ça.

    Le premier flocon, danseur éphémère, tomba miraculeusement, se faisant aussitôt malmener par le vent qui perturba sa course par des crocs-en-jambe. Comme un trapéziste ivre, il virevoltait sous le chapiteau de la nuit, se lovant dans sa noirceur pour en être expulsé et réapparaître, chancelant, dans l’air glacial. Sa trajectoire, faite de courbes gracieuses et de subtils entrelacs ne paraissait  avoir aucun but. Muni d’un billet à  destination de l’inconnu, le cristal d’eau immaculé s’élança vers moi.

    Le flocon s’écrase sur la vitre.

    Pastorius émet un gémissement.

    Un frisson me parcourt l’échine.

    La couverture tombe de mes épaules.

    On frappa à la porte.

    Je ne bougeai pas. La possibilité que l’on frappe à ma porte à une heure aussi incongrue avoisinait le 1%. Pour les autres moments de la journée, je ne dépassais pas les 3%. C’était justement pour cette raison que j’avais choisi cette maison. Située en haut d’une colline inaccessible à pied, elle me procurait l’isolement et le calme dont j’avais tant besoin.

    On refrappa. Je ne bougeais toujours pas. Pastorius dressa les oreilles. Le vent contre la vitre. Un instant plus tard, les coups se firent plus insistants, presque suppliants. Je remontais ma couverture sur mes épaules. Pastorius grogna. Un éclat de bois fit crépiter la cheminé.

    Alors, elle m’apparut.

    Emmitouflée sous une longue écharpe de laine, un gros bonnet lui mangeant le haut du visage, je la vis, face à moi. Un sourire inquiet au bord des lèvres, d’une pâleur à crever la nuit, je l’aperçue, derrière la fenêtre, comme déposée par mon premier flocon de neige. Elle articula des mots que le vent s’empressa de dévorer et me fit signe qu’elle avait froid.

    Pastoruis gémit. Un pan de ma couverture glissa de nouveau sur mon épaule. Une réaction chimique quelconque fit jaillir de l’âtre une flammèche bleue. Je me levais.

    Dissimulant du mieux que je pus ma nudité à l’aide de la couverture, j’ouvris la porte et sans même attendre qu’elle n’en franchisse le seuil, regagnais ma place. Elle entra.

    Comme si elles avaient synchronisé leurs mouvements, au même instant, des milliers de petites étoiles blanches et glacées se mirent à jaillir du ciel en trouant les ténèbres. Ils avaient annoncé de la neige pour la nuit. Ils ne s’étaient pas trompés.

     

     


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