• Sentinelle (El.)

    Baisser les yeux, j’crois pas que j’peux l’faire encore. J’ai dans l’idée que passer tout le jour à fixer mes godasses ça m’abîme. Mais si j’lève mon nez vers en haut, ça m’tourne dans tous les sens dans la tronche avant de se dissoudre en cendres folles et qui piquent les plaies.

    Tu me donnes plus le ton, tu me donnes plus le son, y a ta chanson qui passe dans la radio, elle est pour les autres.

    La meute.

    Ils vont mettre plus fort dans la bagnole et leurs écouteurs, ça va envahir l’habitacle et leurs neurones en puissance, mais moi j’suis en retrait à fixer mes godasses. J’aime pas ça avoir mes pieds enfermés, j’aime pas si on m’attache mes ailes et que j’ai des ampoules à cause que les semelles, c’est trop dur.

    Ça saigne.

    Les autres ils écoutent ta song. Ils baisent dessus, ils reprennent en cœur, elle retombe dans leurs tympans sans plus qu’ils y fassent gaffe.

    Après deux semaines, ils l’entendent même plus tellement ils l’avalent de la première à la dernière note comme ils s’enfilent une pinte. Et moi j’baisse les yeux, vers mes godasses, même que j’ai mal aux pieds et j’vais étouffer parce que j’peux pas hurler.

    L’autre jour, une pute me dit, rien qu’en plantant ses yeux bleus dans les miens sans couleur, qu’elle partage toute ta vie et que moi j’dégage. Elle est blonde, moi non. Elle te rend docile, moi non. Elle en a plein d’intelligence dans sa tête, moi non. De la tune, une carrière, des projets pour toi, elle en a plein ses tiroirs, moi non.

    Moi à côté, j’baisse les yeux et j’fixe mes pompes.

    Au lieu de cracher, hurler, griffer, trancher des gorges.

    Et la meute elle se jette sur ta song, sur chaque note de toi, et ta pute elle te touche quand elle veut, elle se réveille à tes côtés, elle te voit en rogne, elle te voit en bonheur, elle te suce quand sa salive dégouline de sa bouche de salope, elle te sert ton café noir, elle te bourre des histoires, elle est classe. Belle. Parfaite pour toi.

    Y a trop rien de juste.

    Moi, j’traîne mes pompes défoncées dans la poussière du sentier, y a la terre qui tourne en pirouettes et j’veux pas regarder en l’air, ça m’fait peur la beauté d’un ciel étoilé.

    Y a un canasson noir qui marche à mes côtés. Son odeur se disperse dans les airs, j’pose ma main sur son flanc. Y m’fait croire ce putain d’étalon que ça craint pas de matter vers le ciel, y m’dit comme ça en mode équin « lève les yeux vers en haut » mais moi quand j’fais ça, ça m’tourne en bordel dans ma tronche et ça se dissout en cendres folles qui piquent mes plaies.

    Ça suinte le long de ma paroi interne.

    J’peux pas.

    J’peux rien.

    J’écoute ta song.

     

    Juste ça.


  • Commentaires

    1
    Samedi 16 Mai 2015 à 22:05

    Raaaa hh mais meufz meufz meufz, y'a vraiment un truc dans ta plume faussement naïve, ce partie pris dans ton style de tourner ça ainsi, comme si c'était un titi de la Butte aux Cailles qui t'raconte l'histoire, c'pas évident, c'est un équilibre casse gueule mais t'arrives toujours à bien doser, avec une sacrée note de surréalisme qui ajoute un certain. . .. .. . .Panache à l'ensemble ! Ouais c'est exactement ça !

    2
    Dimanche 17 Mai 2015 à 19:17

    oops

    y a rien qui m'vient mais...merci à toi mecz...wouarf! :p

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